La Carte Grise de Collection

L’idée d’un titre de circulation spécifique aux véhicules de collection remonte au début des années soixante et à l’émergence du phénomène de la collection automobile. À l’époque, il ne s’agissait que de voitures d’avant-guerre, de tacots comme l’on disait alors, mais les problèmes de carte grise manquante existaient déjà.

En effet, pendant la Seconde Guerre mondiale de nombreux véhicules ont vu leur carte grise égarée ou perdue. Délaissés pour de nouveaux véhicules plus modernes après le conflit, ceux-ci sont restés immobilisés en l’état. Mais quand les collectionneurs ont commencé à s’intéresser à eux et ont souhaité pouvoir rouler avec en toute légalité, il a bien fallu trouver une solution qui satisfasse tout autant ces derniers que les pouvoirs publics. Mais la première initiative en ce sens revient au club des Teuf-Teuf créé en 1935.

Au début des années soixante, à l’initiative de Messieurs Blomet et Roux, il avait ainsi été imaginé et mis en place une procédure d’attestation de conformité par des experts reconnus par ledit club. Celle-ci, officiellement certifiée par le club, a ensuite été reconnue le 19 avril 1966 par les Pouvoirs Publics conformément à la circulaire CR166. L’attestation du club des Teuf-Teuf devient alors un acte de régularisation de la conformité des véhicules leur permettant d’obtenir une nouvelle carte grise dite de collection. La mention “véhicule de collection” apparaît pour la première fois sur des cartes grises, la carte grise de Collection était donc officiellement née et elle allait dès lors permettre de sauver de la ferraille nombre de véhicules anciens en leur permettant de reprendre la route en toute légalité !

1984, première définition du véhicule de collection

Entre-temps, la FNCAAF (Fédération nationale des clubs d’automobiles anciennes en France) est créée le 11 novembre 1967 à Paris puis, le 16 décembre suivant, à Lyon elle devient la FFAE (Fédération française des automobiles d’époque). Dix-huit ans plus tard, le ministère des Transports, avec la collaboration de cette dernière, réglemente par un arrêté en date du 5 novembre 1984 la qualification véhicule de Collection et crée de fait une nouvelle série administrative éponyme dans les immatriculations de véhicules.

Destinée à tous les véhicules de plus de trente ans, la carte grise de Collection leur permet de continuer à rouler sous un régime adapté à leur spécificité tout en leur donnant une véritable dimension patrimoniale.

Même en l’absence de l’ancien certificat d’immatriculation, un véhicule de plus de 25 ans peut alors être réimmatriculé sans avoir à subir une réception à titre isolé par le service des Mines selon les normes en vigueur lors de sa première mise en circulation ou de sa construction. Il peut alors circuler librement dans son département d’immatriculation et ses départements limitrophes. Au-delà des départements limitrophes, à chaque sortie, il suffit à son propriétaire de remplir une déclaration de circulation rédigée sur une carte-lettre extraite d’un carnet à souche et de l’envoyer à sa préfecture.

Cet Arrêté du 5 novembre 1984 officialise aussi la mission de service public déléguée à la FFAE. Le 14 février 1987, pour ses vingt ans, la FFAE décide de prendre le nom de FFVE pour devenir la Fédération que nous connaissons aujourd’hui.

À partir du 1er janvier 1992, lorsque le contrôle technique est instauré en France, le véhicule bénéficiant d’une carte grise de Collection en est de fait exempté.

2009, suppression du carnet à souche

Correspondant à la mise en place du SIV (Système d’immatriculation des véhicules), un nouvel Arrêté daté du 9 février 2009, remplace le précédent, presque sans changement, et fixe maintenant l’âge des véhicules éligibles à la carte grise de Collection à 30 ans minimum. Par ailleurs, il confirme la mission de service public déléguée à la FFVE. Il instaure aussi un contrôle technique périodique tous les cinq ans, mais, en contrepartie, il abroge la restriction géographique de circulation, ainsi que le fameux carnet à souche.

Durant toutes ces années, la FFVE n’a eu de cesse d’oeuvrer auprès de tous les pouvoirs publics intéressés pour obtenir des dérogations en faveur de tous les véhicules anciens de collection. Et en contrepartie, pour bénéficier de ces dérogations, le véhicule doit donc être immatriculé dans la série “véhicule de Collection”.

2017, redéfinition et dimension patrimoniale

Soucieux de protéger le Patrimoine roulant, le législateur renforce les conditions d’obtention de la carte grise de Collection. Son but est ainsi d’éliminer les véhicules qui ne sont plus conformes à leurs caractéristiques lors de leur sortie d’usine. L’arrêté correspondant a été signé le 24 mai 2017, publié le 8 juin et appliqué dès le lendemain, le vendredi 9 juin 2017.

Dès lors, toute demande de passage d’une carte grise normale vers une carte grise de Collection doit être accompagnée d’une attestation de datation et de caractéristiques délivrée par le constructeur ou par la FFVE. Le demandeur doit également déclarer sur l’honneur que son véhicule n’a pas été modifié.

Davantage d’avantages

Non seulement les véhicules militaires peuvent eux aussi bénéficier de la carte grise de Collection, mais en plus la FFVE agit depuis longtemps pour leur protection en tant que véhicules de loisirs.

Aux débuts de la carte grise de Collection, la restriction de circulation, bien que théorique, pouvait paraître rédhibitoire aux yeux de certains collectionneurs. Dans certains cas, les acheteurs utilisaient même cet argument pour essayer de minorer la valeur du véhicule convoité. D’autres craignaient d’être enfermés dans un « ghetto » offrant aux services fiscaux des possibilités de taxation, ou bien aux services publics de décider de nouvelles contraintes à l’encontre de cette série. En réalité, il s’agit de fausses interprétations.

En fait, le statut qu’elle procure présente plus d’avantages que d’inconvénients :

  • Le contrôle technique périodique tous les cinq ans au lieu de deux qui avait été mis en place avec le nouveau SIV en 2009, a depuis encore été allégé grâce à l’action de la FFVE. Désormais aussi, les véhicules légers dont la date de construction ou de première mise en circulation est antérieure au 1er janvier 1960 sont exemptés du contrôle technique s’ils sont titulaires d’une carte grise de Collection.
  • Tous les véhicules lourds bénéficiant d’une carte grise de Collection sont eux aussi dispensés du contrôle technique et, en plus, de la taxe parafiscale.
  • Les plaques d’immatriculation peuvent conserver les caractères blanc ou gris métal sur fond noir, ainsi que la forme d’origine des plaques anciennes, ce qui n’est pas le cas des véhicules en carte grise normale.
  • La mention “véhicule de collection” sur une carte grise permet d’obtenir des dérogations sur des contraintes de circulation présentes et à venir, ne serait-ce que celles relatives à la pollution de l’air par la circulation automobile. En effet les véhicules de collection roulent très peu, et s’abstiennent de sortir en cas de pic de pollution. Statistiquement, nous savons qu’ils roulent à la campagne et exceptionnellement dans les villes.
  • Malgré la grande prudence de son conducteur, un véhicule de collection peut être impliqué dans un accident de la circulation. Suivant l’importance des dommages, une expertise peut être ordonnée par les compagnies d’assurance. De même que pour un véhicule en carte grise normale, un véhicule en carte grise Collection pourra être classé VGE (véhicule gravement endommagé) ou VEI (véhicule économiquement irréparable). Toutefois, les critères d’irréparabilité technique prévus par les textes ne sont pas applicables systématiquement en cas de carte grise de Collection. La notion d’irréparabilité restera cependant à l’appréciation de l’expert automobile, un véhicule entièrement calciné pourra par exemple certainement être déclaré techniquement non réparable. Le fait que la mention « techniquement irréparable » ne soit pas appliquée permettra au véhicule en carte grise Collection d’être réparé, si le propriétaire le désire, sans passer par une RTI (réception à titre isolé). Une contre-expertise à l’issue des travaux sera néanmoins nécessaire avant de remettre le véhicule en circulation.
  • Texte : adaptation Antoine Demetz
    Photographies : Pascal Rousselle, administrateur FFVE, et DRAUTHENTIQUE N°27 – SPÉCIAL 50 ANS